Parent F, Jouquan J. Comment élaborer et analyser un référentiel de compétences en santé. Une clarification conceptuelle et méthodologique de l’approche par compétences, Bruxelles 2015 : De Boeck

Encadré 19 – page 269

Mais où sont donc les compétences ?

Nonobstant le nombre de fois où le concept de compétence est nommé dans cet ouvrage, il est intéressant de souligner qu’il ne l’est qu’une seule fois en tant qu’ingrédient formel d’un référentiel de compétences intégré. Seule la « compétence intégrative en développement » se réfère en effet explicitement à ce concept. Que l’on examine les « familles de situations professionnelles », les « macro-capacités », les « capacités » ou les « critères », ou encore les « cadres de référence professionnel et pédagogique », force est de constater que le terme de compétences n’y apparaît pas en tant que rôle-titre. Il peut dès lors sembler légitime de se demander où se sont cachées ces compétences tant convoitées.

Il faut en fait comprendre que les compétences constituent un tout qui ne peut se résumer à la somme des parties que sont les critères, les capacités, les macro-capacités et les situations professionnelles, et que c’est à cette condition seulement que ce construit permet de reconnaître un professionnel compétent.

C’est aussi parce que chacune de ces parties – critères, capacités, situations – constitue une porte d’entrée différente vers les savoirs qu’une perspective réellement systémique est envisageable. Le savoir lié aux compétences n’émane pas des seules disciplines ou des thématiques de santé, mais d’une combinaison de savoirs faisant référence autant :

− aux situations professionnelles, qu’il s’agisse de problèmes de santé décrits dans des situations cliniques, de problèmes de gestion ou de problèmes de recherche, analysées dans des situations-problèmes spécifiques ;

− aux domaines d’activités en lien avec les macro-capacités et les capacités, ces savoirs incluant tout autant des savoirs théoriques que des savoirs pratiques, liés à des dimensions du développement professionnel (cognition ; réflexion ; application) mais aussi personnel (métacognition ; émotion ; imagination) ;

− aux critères d’une pratique professionnelle de qualité, chacun d’entre eux pouvant donner accès à des cadres conceptuels spécifiques, liés ou non au secteur de la santé. De tels critères peuvent en outre être analysés de façon à favoriser une perspective réflexive, permettant une compréhension des pratiques professionnelles basée sur une théorie critique. C’est, par exemple, le cas de critères appréhendant l’éthique, la vulnérabilité, l’empathie, la résilience, la collaboration, la flexibilité, la bienveillance, mais aussi l’efficacité et l’efficience, si communément utilisés.

Ainsi la notion de compétence est opérante dans le sens que définit la notion de reliance (cf. encadré « Le concept de reliance : un premier éclairage », p. 26), c’est-à-dire qu’elle n’est pas seulement « reliée » aux parties ou « reliant » à elles, ce qui permettrait de la nommer ; elle met en acte, dans un mouvement ininterrompu, des parties entre elles, et confirme son appartenance à un paradigme systémique fondé sur l’interaction, la globalité, l’organisation et la complexité.

C’est cette complexité-là qui la différencie d’une logique de qualification, plus linéaire, concept qui nomme et stabilise les acquis.

Et l’être humain à besoin autant de stabilisation que de mouvement.

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